Ces 4 et 5 décembre, se déroule la 29ème édition du Téléthon dont le mot d’ordre est, cette année, « Innover pour guérir ». Le Téléthon mobilise les Français et révèle leur souci d’aider les plus fragiles, en l’occurrence les personnes atteintes de maladies neuromusculaires, par exemple la myopathie.
L’Association française contre les myopathies (AFM) présente la collecte des dons comme une nécessité pour aider les personnes atteintes par ces maladies, une aide articulée entre la recherche génétique et l’assistance aux personnes handicapées. Une recherche dont les problèmes éthiques sont tus par les médias classiques.
Sur le site de l’AFM, on peut lire un résumé de l’aspect festif du Téléthon : « Près de 5 millions de Français participent chaque année au Téléthon. Le premier week-end de décembre, ils assistent à l’une des 20 000 animations sportives, culturelles, ludiques ou gastronomiques organisées dans plus de 10 000 communes de métropole et d’outre-mer, ainsi que dans des lieux « clés » du globe. Ventes de crêpes, achats solidaires, défis sportifs, soirées dansantes, concours en tous genres, les animations du Téléthon sont l’occasion de faire la fête partout en France et dans le monde. Les sommes collectées à cette occasion représentent environ 40 % du montant total du Téléthon. » Un visage ludique pour faciliter la transmission d’un message marqué de gravité au risque d’éviter le pèse-éthique.
Depuis plusieurs années, émanent des critiques morales de milieux scientifiques, chrétiens ou non, à l’endroit du Téléthon, sans grand relais médiatique. Mais également de myopathes agacés par les promesses stériles et la monétarisation de la tragédie. La Fondation Lejeune interpelle les Français et l’AFM quant à la destination des dons que masque le festif ; le professeur Testart, « père » du premier bébé éprouvette français, et directeur de recherche honoraire à l’INSERM, a qualifié le Téléthon de « cabaret le plus cher du monde » ; en 2007, l’ancienne championne de ski, Raphaëlle Monod-Sjöström, a démissionné de son poste de marraine du Téléthon pour la région Rhône-Alpes après s’être intéressée de plus près aux actions de l’AMF, et a rejoint le Comité pour sauver l’éthique du Téléthon. De quoi est-il question ?
Derrière le festif, la nécessaire réflexion
Si les dons au Téléthon permettent de maintenir des lignes budgétaires pour financer l’achat de fauteuils adaptés ou la rémunération d’aides à domicile, leur destination n’est cependant pas forcément en coïncidence avec les vœux des donateurs. D’abord parce qu’ils ne souhaitent pas toujours financer la recherche biomédicale sur l’embryon humain proposée par l’AMF ; ensuite parce que l’information n’est pas réellement faite sur la sélection génétique qui permet d’écarter les embryons marqués par des tares, en l’espèce celles liées aux maladies neuromusculaires.
D’une part, les donateurs ne souhaitent pas forcément financer les expérimentations biomédicales parce que la recherche sur les cellules souches embryonnaires n’est pas sans soulever de graves problèmes éthiques. Il s’agit de réaliser des expérience sur des cellules embryonnaires humaines en vue de générer de nouveaux tissus voire des organes. Sont concernés des embryons dits surnuméraires obtenus dans le cadre de la fécondation in vitro, mais qui ne font pas l’objet d’un projet parental. Les défenseurs de ces recherches présentent leurs perspectives comme prometteuses.
Le potentiel des cellules souches est fonction de leur âge. Ainsi, pendant les premiers jours du développement de la masse cellulaire, et jusqu’au 4e jour, après la division de l’œuf fécondé, les cellules sont totipotentes, c’est-à-dire capables de se différencier indifféremment et de se reproduire sans limite, donc de reproduire toutes les cellules d’un organisme. Il n’y a alors pas encore de spécificité cellulaire, et une cellule de peau peut par exemple se différencier en cellule neuronale. On voit la raison de l’intérêt éprouvé par les promoteurs d’une réaffectation des dons du Téléthon. Or, préalablement à l’expérimentation, il y a prélèvement de cellules d’un embryon et la destruction de ce dernier.
Des effets d’annonce avant diverses éditions du Téléthon permettent de farder la vérité éthique et scientifique jusqu’à la travestir. Ainsi, le 27 octobre dernier, l’AFM et l’Institut des cellules souches I-Stem, y associé, déclaraient à la presse qu’une patiente participant à un protocole d’essai clinique de phase 1 à l’hôpital Georges Pompidou depuis le 21 octobre 2014 se portait bien et qu’il n’y avait pas de complication. La patiente concernée avait reçu une greffe. Or, la finalité de la phase 1 est d’évaluer la toxicité du traitement et non d’obtenir un effet thérapeutique ; par ailleurs, à ce stade du protocole, il faut que l’essai ait porté sur 6 malades avant que l’on puisse conclure quant à sa toxicité. Pourtant, seulement deux patients ont été greffés (le second, de 82 ans, en février), et un délai de 5 ans doit être respecté avant de donner des résultats concernant la toxicité ou non de ces greffes.
D’autre part – et toujours dans cet esprit de déformation de la vérité -, les donateurs ne seraient pas forcément favorables au Téléthon s’ils savaient qu’il est partisan du diagnostic préimplantatoire, c’est-à-dire du dépistage et de la sélection génétiques. Dans le cadre de la procréation médicalement assistée, plusieurs ovocytes sont fécondés ; ensuite, un tri génétique est effectué pour éliminer ceux porteurs des tares dont ne veulent pas les parents. Après une dizaine d’années à exposer des enfants atteints de maladies neuromusculaires sur les plateaux de télévision, le Téléthon a commencé à présenter des « bébéthons » en prétendant aux téléspectateurs que c’étaient leurs dons qui avaient permis de vaincre la maladie chez ces enfants. Or, là aussi, comme lors de la conférence de presse quant au protocole d’essai clinique, le Téléthon, l’AFM et l’I-Stem sont dans la désinformation puisque les enfants ne sont pas indemnes du fait d’avoir été soignés mais de celui de n’avoir pas été refusés grâce au fait qu’ils étaient indemnes des maladies recherchées.
Dans tous les cas, la présentation que fait le Téléthon de ces prétendus succès en thérapie génique relève davantage du sérieux d’un magazine sensationnaliste que d’une revue scientifique même de vulgarisation qui essaie de donner le maximum d’informations. Le « Vu à la télévision », le compassionnel et le festif écartent le questionnement : ne pas soutenir le Téléthon, voire le critiquer, ce serait être sans cœur.
Cette mise en scène a conduit Raphaëlle Monod-Sjöström à quitter son habit de marraine régionale du Téléthon lorsque, découvrant certaines critiques, elle s’est intéressée à la question. Marraine d’un enfant affecté, l’ancienne championne de ski affirme : « En tant que sportive, j’ai été très touchée d’être sollicitée pour parrainer le Téléthon dans ma région. C’est une aventure magnifique : je veux aider ceux qui sont frappés par ces maladies et encourager la recherche pour soigner et guérir. Quand j’ai entendu des critiques à la radio, j’ai voulu en savoir plus. J’ai découvert que l’on se servait des embryons pour la recherche. Quelque chose m’a beaucoup choquée à cause de l’amitié qui s’est nouée avec des jeunes malades rencontrés pour l’organisation du Téléthon. J’ai réalisé que je n’aurais peut-être pas la joie de connaître mon filleul aujourd’hui si les pratiques du tri embryonnaire avaient existé il y a vingt ans. »
En 2014, le Téléthon avait permis de lever plus de 89 millions d’euros. Si vous êtes désireux d’aider la recherche dans une perspective de respect de l’humain, vous pouvez soutenir la Fondation Lejeune, d’inspiration chrétienne fondée par le généticien Jérôme Lejeune. A travers l’institut Jérôme-Lejeune, la Fondation propose une recherche scientifique en vue de découvrir des traitements pour améliorer les capacités cognitives des personnes trisomiques 21, ainsi qu’un accompagnement curatif.
JD